Pour cette cinquième interview, c’est avec David SOURY que nous échangeons. Avec plus de 30 ans d’expériences dans la logistique, David a accepté de nous en dire plus sur l’implication de la durabilité dans le processus d’innovation de la logistique et du transport.
David travaille depuis toujours dans ce milieu, il a exercé les métiers principaux de la logistique, comme de l’opération à l’entrepôt, du management d’équipes et optimisation des organisations.
David définit la logistique comme étant à la fois des standards et en même temps assez unique et spécifique à chaque entreprise.
Salarié jusqu’en 2013 pour ensuite ouvrir sa boîte, David participe à la consolidation et l’organisation de PME et TPI. Il a travaillé dans des entreprises et centres de formations, pour former les salariés sur leurs choix stratégiques, Supply Chain et Lean Management.
Dans la continuité de l’accompagnement et de son envie d’échanger et partager ses connaissances, 80% de son temps est consacré à intervenir dans des écoles sur des sujets relatifs à la supply chain.
D’après lui : “La logistique est un des métiers où il faut être tourné vers l’humain. Malgré les apparences, avec le fait qu’il y ait beaucoup d’automatisation, l’essentiel de la logistique va se passer sur l’humain. Si l’on aime pas communiquer entre nous, il va manquer un plan concret au métier.”
Pour moi, les qualités qui font un bon logisticien vont être d’abord l’écoute puis l’empathie. C’est à dire qu’il faut que le métier soit quand même tourné vers l’humain d’une manière générale afin de bien faire passer les messages et les réceptionner.
Pour une bonne logistique, un des outils principaux, n’est pas informatique mais humain : c’est la circulation d’informations.
Si une personne n’est pas capable d’écouter et d’entendre ce qu’un collègue ou un membre de son équipe va lui faire remonter comme information, elle ne prendra pas forcément les bonnes décisions. C’est quelque chose qui peut, à terme, entraver sa performance à lui et à son équipe. C’est pour cela qu’un logisticien doit être empathique et curieux de savoir avec quelles personnes il travaille.
La logistique rejoint la philosophie du Lean management (philosophie qui vient du Japon et qui prône le travail collectif et participatif).
Une logistique qui fonctionne, ce n’est pas grâce à une personne qui fait tout le travail, mais parce que cette personne a réussi à manager et à entraîner une équipe.
Pour conclure, on peut avoir de très bons techniciens et de très bons stratèges. Mais s’ils ne sont pas suffisamment empathiques, les équipes ne les suivront pas forcément et l’entreprise ne sera pas en phase avec ses performances.
Durant mon parcours, j’ai eu une expérience en tant que salarié et en tant qu’intervenant.
J’ai longtemps travaillé à Lyonnaise des Eaux, à Bordeaux, en tant que responsable logistique pour l’Aquitaine normande, et j’ai dû gérer la plateforme logistique de cette société pour alimenter tous les secteurs Lyonnaise des Eaux qui étaient en périphérie.
Mon rôle était de former en interne sur la méthode logistique en intervenant sur différents sites en local déportés.
Le but était d’aider à l’organisation des magasins et à la réalisation des inventaires lorsque leurs résultats n’étaient pas très bons. J’avais un peu un rôle de formateur, voir parfois de coach, car les personnes qui étaient dans les magasins n’étaient pas forcément formées à ces méthodes et étaient en situation d’échec par rapport aux objectifs qu’elles ne pouvaient pas atteindre.
La deuxième expérience qui est vraiment significative pour moi, a été lorsque j’ai travaillé dans une société en région bordelaise, qui fabriquait des remorques de signalisation.
Là-bas, il y avait à la fois un atelier de fabrication et en même temps un site logistique.
Et dans cette entreprise, j’ai fait à la fois une mission de retournement (mettre en place des processus, des stratégies afin d’améliorer la performance et organiser la logistique dans l’entreprise) et en même temps, un accompagnement humain très important parce que les salariés étaient en souffrance, ils subissaient leur activité et étaient au bord de la rupture.
C’était un quasi coaching collectif, car il a fallu faire monter en confiance cette équipe, lui faire prendre de l’ampleur, la faire monter en compétence et qu’elle retrouve un moral suffisant pour pouvoir aborder une nouvelle phase de son travail.
Donc, cela a été une expérience enrichissante parce que j’ai eu de très bons résultats, à la fois techniques, au niveau de la logistique, mais surtout au niveau humain.
La cohésion et le bon état d’esprit au sein d’une équipe, et notamment dans la logistique, je dirais que c’est 70 ou 80 % de la performance.
“La cohésion et le bon état d’esprit au sein d’une équipe, et notamment dans la logistique, je dirais que c’est 70 ou 80 % de la performance.”
La logistique verte a pris naissance à partir du moment où la notion de développement durable a été évoquée dans les années 90.
À partir du moment où il y a des flux dans une entreprise (financiers, physiques et d’informations), il y a une logistique. Et cette dernière va recevoir des marchandises et les distribuer tout en intégrant une démarche écologique visant à réduire les impacts de l’entreprise sur son environnement.
Mais comment réduire ses impacts sur son environnement ?
Le responsable / directeur logistique va devoir prendre en compte les attentes des clients parce que de plus en plus de consommateurs sont sensibles à ces notions.
La logistique va prendre en compte cette démarche durable en essayant de réduire au maximum les impacts sur l’environnement, comme les émissions de gaz à effet de serre liés aux transports, les déchets suite aux emballages des marchandises, la fabrication des conditionnements avec les matières plastiques, les déchets générés par l’activité logistique, (cartons, papiers et autres déchets).
Au niveau des transports, l’axe principal ce sera les véhicules électriques. De base, il faut savoir qu’avec le e-commerce et l’émergence d’internet, 80 % des consommateurs se trouvent en zone urbaine où l’on va avoir le plus de restrictions par rapport aux transports.
D’un côté, il va y avoir un maximum de clients à livrer, de l’autre on va se retrouver dans une zone où il y aura plus de restrictions par rapport aux transporteurs.
Donc comment réduire les nuisances lorsque l’on doit livrer 80% des consommateurs en zone urbaine ? C’est ça l’enjeu primordial.
La problématique principale de la logistique actuellement est le dernier kilomètre, c’est-à-dire livrer le client final tout en générant le moins de nuisances possibles et surtout en optimisant les coûts.
Il faut savoir que le dernier kilomètre est le coût de livraison le plus important de toute la tournée globale, c’est là où il y a le dernier client à livrer et donc là où le transport va être le moins rentable.
Un autre enjeu sera, aussi, d’utiliser des produits issus du recyclage, tels que les cartons ou nouveaux plastiques pour pouvoir réaliser des emballages de protection durant l’opération de transport.
Ces éléments montrent que, petit à petit, la logistique a mis en place,des stratégies qui génèrent moins de déchets à usage unique.
Les enjeux de la logistique verte pour les logisticiens, ça va être de nouvelles stratégies à mettre en place et associer les technologies qui permettront d’améliorer encore un peu plus ces concepts.
Donc la green logistique n’en est qu’à ses balbutiements. Le meilleur est à venir. Par exemple, dans le futur, il y aura toujours des camions parce que c’est le mode de transport qui est le plus flexible. C’est celui qui permet de prendre de gros ou de petits volumes. Cependant, ils seront électriques.
On associera plusieurs modes de transport pour livrer (transport multimodal). Peut être que par la suite, ces semi-remorques électriques seront associés avec des vélos électriques, des drones ou d’autres technologies qui n’existent pas encore, qui permettront de livrer en centre ville rapidement et proprement.
“Les enjeux de la logistique verte pour les logisticiens, ça va être de nouvelles stratégies à mettre en place et associer les technologies qui permettront d’améliorer encore un peu plus ces concepts”
Les stratégies efficaces pour vraiment permettre à l’entreprise d’améliorer sa performance et rentrer dans la partie développement durable / Green Logistics, vont être :
Si le Lean Management est associé avec un management agile, vous aurez une logistique qui va pouvoir changer rapidement de culture managériale et mettre en place de nouvelles stratégies qui permettront à l’entreprise d’être vertueuse.
Dans le transport, les normes et les lois sont très restrictives, les transporteurs sont assaillis par ces réglementations, qui les obligent à adapter leurs stratégies.
En termes de logistique, il y en a, mais elles ne sont pas aussi restrictives que dans le transport.
Si ces règles ne sont pas respectées, il peut y avoir des amendes, des interdictions de circuler, des immobilisations de véhicules, voire plus, et cela concerne les trois vecteurs, c’est-à-dire la route, l’aérien et le maritime.
La logistique est plus au niveau éthique qu’aux obligations, les clients sont vraiment attentifs au respect de l’environnement, donc les logisticiens doivent faire attention à la manière dont un colis sera livré, les créneaux horaires et l’état dans lequel va arriver le colis.
Il faut voir la durabilité comme un vecteur d’amélioration, il ne faut pas voir ça comme une contrainte mais comme un moyen de faire mieux.
On a pu voir un peu pendant deux ans un changement d’habitudes de consommation, ainsi que la façon dont les logisticiens travaillent. On a découvert que la logistique avait un réel intérêt ainsi qu’une certaine efficacité et cela a donné un regain des métiers de ce secteur.
Les logisticiens ont pris en compte ce facteur et la durabilité va permettre de mettre en place des cycles de vie du produit plus long. Les entreprises vont s’axer davantage sur le recyclage des machines.
Aussi, les conditions d’implantation pour ne pas nuire à son environnement, être à proximité d’une zone urbaine ou écologique, aussi un bassin d’emploi à proximité de manière à pouvoir fournir et des emplois à des personnes qui seraient locales afin d’éviter de leurs faire faire des dizaines de kilomètres pour aller travailler.
Donc on va regarder le positionnement physique d’un entrepôt, c’est-à-dire dans quel domaine l’entrepôt sera le plus utile, à la fois pour livrer les marchandises et en même temps pour avoir une dynamique du réseau (responsabilité sociétale des entreprises).
Les entrepôts peuvent être un vecteur à la fois d’amélioration des conditions de travail pour les humains et d’entrer dans une démarche de développement durable en ne générant pas de nuisances et en améliorant les conditions environnementales de son secteur.
Le changement au niveau humain, c’est toujours quelque chose qui peut être compliqué. mais cela dépend surtout du management.
Chacun a une manière de voir le changement. Il y a des profils plutôt jeunes qui vont avoir du mal à sortir de leur zone de confort. Puis vous allez avoir des profils plus âgés qui vont s’adapter à un changement rapidement. Ce n’est pas une histoire d’âge mais plutôt de culture.
Pour ce qui est des organisations logistiques des entreprises, cela va dépendre du management de la culture qui va être présente. Plus la culture sera empathique et agile, plus le changement sera rapide.
Plus le management sera restrictif, paternaliste, plus l’entreprise va fonctionner en silo et le changement sera compliqué. De plus, cela ne favorise pas l’implication et le changement de culture.
Pour commencer, identifier clairement où est-ce que l’entreprise a de la valeur ajoutée. Où sont les points forts et les points faibles dans leur activité.
Ensuite, c’est la culture managériale de l’entreprise. C’est-à-dire, est ce qu’elle est tournée vers l’agilité, la flexibilité, la cohésion et le collaboratif ou est ce qu’elle est plutôt orientée sur la version “tayloriste”(chaque personne fait uniquement son travail).
Ce sont deux cultures qui sont diamétralement opposées.
Une entreprise qui à l’heure actuelle, va vouloir se développer et consolider sa performance avec la digitalisation et la mondialisation, il faudra impérativement qu’elle soit dans une dynamique vertueuse.
Pour que les entreprises intègrent la durabilité dans toutes les étapes de leur chaîne de valeur, il faudrait peut être changer son mode de fonctionnement, c’est-à-dire insérer les opérateurs qui ont une vision des choses dans le lean management. Les faire participer aux projets et aux groupes d’amélioration, voire faire une autonomisation (formés à régler les problèmes, les dysfonctionnements et avoir une capacité d’autonomie à prendre des décisions eux-mêmes).
Les entreprises qui fonctionnent sur ce mode ont une rentabilité supérieure aux entreprises qui fonctionnent en mode silo.
Cette organisation est capable de réagir rapidement et elle est flexible en s’adaptant à des crises ou des aléas qui surviendraient du jour au lendemain.
Donc une entreprise a tout intérêt à mettre en place un management collaboratif , agile et former ses opérateurs à une certaine autonomisation.
D’une manière générale, nous ne sommes pas encore prêts à avoir des bateaux électriques ou des avions électriques. C’est vrai qu’il y a des prototypes qui existent, mais ils ne sont pas encore prêts à transporter des tonnes de marchandises.
Il va falloir attendre certainement un petit moment avant que se soit vraiment développé.
Pour le bateau, une technologie qui lui permettrait de tourner à l’électricité existe déjà. Cependant, nous ne sommes pas encore au développement de cette technologie car le changement des flottes actuelles prendrait quelques années. Si on peut résumer, d’une manière générale, les transports maritimes sont plutôt longs, cependant, ils sont capables de transporter de gros volumes et ont un coût dérisoire par rapport à l’unité transporté.
Les avions sont beaucoup plus rapides, par contre, ils ont un coût relativement onéreux. Et bien entendu, comme ils tournent au kérosène, ils impactent l’environnement.
Le camion, le véhicule routier, est celui qui permet la plus grande flexibilité, il n’est pas forcément très onéreux, il peut transporter des petites quantités ou des grosses quantités. Et surtout, il peut livrer n’importe où : campagne, centre ville, chemins ou des routes, et plus.
Le but est de transformer cette équipe en écosystème qui tourne sur lui-même, même si le manager n’est pas présent, l’équipe va savoir prendre les bonnes décisions et va continuer à développer sa performance.
Il y a quelques années, on voyait la logistique comme un poste de coûts, un service qui dépensait de l’argent. Maintenant, une logistique optimisée va faire gagner de l’argent aux entreprises.
Certaines tendances sont importantes à suivre dans le domaine de la logistique afin d’optimiser ses coûts :
Ces tendances influencent les métiers du transport et de la logistique. Depuis quelques années, les métiers logistiques sont en plein boom.
Habituellement, lorsque l’on aborde le métier logistique, on va parler des chauffeurs routiers ou des caristes. Ce sont des métiers logistiques, cependant, aujourd’hui d’autres métiers logistiques se sont développés. Par exemple, de nouveaux cursus en alternance de management, en logistique, en bac plus cinq sont mis en place.
Entre les stratèges et les opérationnels, le management de la logistique est un métier à part entière, ils vont manager des organisations logistiques pour qu’elles soient plus performantes et plus respectueuses de l’environnement.
Et les Data Analyst aussi ! Ils vont analyser les données afin de pouvoir permettre aux responsables, aux managers de la suppression, de pouvoir prendre des décisions et de pouvoir mettre en place des stratégies parce qu’il ne peut pas le faire tout seul.
Également les contrôleurs de gestion logistique. Aujourd’hui ils sont spécialement formés dans le milieu de la logistique pour y optimiser les coûts et faire en sorte qu’à chaque fois qu’un logisticien gère une opération, l’entreprise ne perde plus d’argent.
Tous ces métiers là contribuent à la fois à améliorer la performance de l’entreprise tout en réduisant les nuisances sur l’environnement.
Florian GEFFROY
Copywritter et Digital Marketer pour DataFret
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