4 mai 2022
Pour lancer notre série d’interviews, nous posons quelques questions aujourd’hui à Michel Philippart, professeur de Stratégies Supply à l’EDHEC Business School et directeur du MSc Strategy, Organisation Consulting & Digital Transformation. Ses principaux centres d’intérêt sont la gestion des relations avec les fournisseurs au sein de la Supply Chain et les technologies de rupture dans les opérations telles que l’IA, la Blockchain ou l’IoT.
Après une formation d’ingénieur, Mr Philippart a tout d’abord travaillé dans l’aérospatial, pour enchaîner sur un MBA aux États-Unis, puis une période conseil dans la pratique achat, recruté ensuite par PepsiCo, puis McKinsey et GSK.
Comme la transmission du savoir s’inscrit petit à petit comme une priorité pour notre invité, il écrit d’abord un premier livre « les achats collaboratifs – pourquoi et comment collaborer avec vos fournisseurs », puis en 2016, il valide un doctorat pour être finalement engagé par l’EDHEC.
C’est depuis ses bureaux Lillois qu’il a très gentiment accepté de répondre à nos questions, où nous explorons les sujets liés à la transformation digitale, son impact sur l’organisation des entreprises et les avantages concurrentiels que cela peut créer.
Et puis dans un deuxième temps, c’est un phénomène plus récent, que je vis plutôt en tant que chercheur, plutôt qu’en tant que participant : c’est l’évolution vers plus d’intelligence artificielle et la grosse question : « qu’est-ce qu’on fait avec les humains ? ». Parce qu’on ne peut pas dire simplement « je remplace les humains par des robots » et espérer que ça marche.
Je dois rajouter à tout ça un changement fondamental de culture, c’est le passage de la gestion de la Supply Chain « comptable et purement financière » à son pilotage stratégique, « qu’est-ce qui va me permettre de me différencier de mes concurrents ».
« Qu’est-ce qu’on fait avec les humains ? »
C’est compliqué ! Je travaille sur un projet avec le ministère de l’Économie et des Finances pour essayer de travailler sur la valeur immatérielle des relations fournisseurs.
Et là clairement, on a beaucoup de mal à créer des indicateurs qui seraient les mêmes partout, donc qui seraient SMART et qu’on puisse utiliser.
On avance, mais c’est très difficile et il y a beaucoup d’opinions divergentes sur le sujet ! Et je pense que par principe de toute façon, l’intangible est très difficile à matérialiser. Il faut donc regarder son impact.
Oui c’est un risque, et il existe de nombreuses études qui montrent qu’en règle générale, les professionnels n’aiment pas changer leur façon de faire. Comment bien s’y prendre ?
En impliquant les personnes du front-line, peut-être pas toute mais au moins un nombre représentatif, dès le début du projet.
Donc l’implication nécessaire des ceux et celles qui vont être impactés, et pas seulement des gens qui vont développer la nouvelle solution. Et surtout, donner confiance aux utilisateurs en leur expliquant que le changement n’est pas contre eux !
Et il peut y avoir en France une certaine aversion au changement technologique où l’on pense peut-être qu’on va se faire « entuber », et quand on a laissé s’établir cet état d’esprit, c’est un peu tard.
Il faut vraiment que les directions des entreprises donnent plus confiance aux utilisateurs.
Leur dire « on a besoin de toi, donc on va prendre le temps qu’il faut pour te faire expert(e) dans le nouveau système ». Il faut dire aux gens qu’on a besoin d’eux, mais surtout faire suivre cette intention par les actes.
Il faut regarder l’impact sur les coûts, bien entendu ce que tout le monde sait faire. Mais la question que l’on ne se pose pas assez est “qu’est-ce que cela permet d’améliorer en matière de qualité, de taux de service ou en matière de rapidité par rapport à mon concurrent”.
En général, cela ne s’affiche pas dans les analyses ROI. Les bases d’environnement concurrentiel et d’environnement de marché ne sont pas assez souvent prises en compte dans les retours d’expérience.
Cela est surtout le cas pour les entreprises leader, si l’entreprise est un peu en retard, il faut d’abord se mettre en état d’iso concurrence avoir des systèmes aussi bons que les autres.
Si vous travaillez avec BMW ou Apple, ou n’importe quelle entreprise qui est leader dans son domaine, il faut aussi se dire “dans quelle mesure est-ce que cela nous permet de conforter notre leadership ou de le renforcer ? ».
Ou si vous êtes le numéro 2, cela fait plus de sens de se dire « comment cela peut nous aider à avoir un avantage sur quelque chose qui va être critique, et nous permettra de nous différencier par rapport au numéro 1. ».
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